Vers 14 ans, le jeune indien partait capturer son premier
mustang (un cheval). S’il réussissait, on lui donnait un surnom élogieux. S’il
ratait et rentrait bredouille, il subirait des moqueries.
Le jeune indien se préparait
en passant trois jours dans la tente à sudation, à transpirer, sans manger et
en confiant ses visions au chaman. Pour être habile et léger le jeune partait
sans ses mocassins et fixait une plume de geai à ses cheveux. Sans aucune arme,
le jeune partait avec un sac de viande séchée et une grande longe qu’il avait
lui-même tressée pour attraper son cheval.
Il partait alors d’un coup en
courant souplement. Il devait courir comme cela pendant des heures et des
heures, sans jamais s’arrêter. Il buvait sans s’asseoir, cueillait des baies en
passant et puisait dans son sac de viande. Au début de sa course, le jeune
indien souffrait beaucoup, mais il ne s’arrêtait pas. Au bout d’une vingtaine
d’heures, il courait comme un automate, et ses jambes ne lui faisaient plus
mal. Quand il découvrait enfin un troupeau de chevaux, le jeune indien pouvait
s’arrêter et se reposer, car son premier but était atteint.
Allongé, l’indien
massait ses jambes endolories et surveillait les chevaux. Quand il repérait un
cheval à la robe tachetée, il reprenait sa longue foulée en se dirigeait droit
vers le cheval. Aussitôt tout le groupe fuyait. Mais l’indien est plus
résistant que le cheval. Il lui courrait après, avec toujours la même foulée
souple, pendant toute une nuit. Quand l’étalon, le mâle dominant du groupe de chevaux,
comprenait qu’un seul était visé, il le chassait, pour sauver le reste du
groupe.
Le jeune indien s’approchait alors du cheval épuisé. Quand il se
remettait à courir, l’indien courrait après lui. Quand il s’arrêtait, il
s’arrêtait. Le mustang utilisait ses dernières forces et le jeune indien
mangeait encore un peu de viande séchée. Le jeune indien profitait alors d’une
pause pour se mettre à chanter doucement, tout en s’approchant. Il tendait une poignée
d’herbe fraîche au cheval affamé. Le cheval acceptait. L’indien en profitait
pour le caresser très vite. Le cheval avait peur, et il se remettait à courir.
Le jeune indien recommençait à chanter et à s’approcher en proposant des herbes.
A force de patience, le jeune indien habituait le cheval à manger dans sa main
et à être caressé. L’animal finissait par le suivre. L’indien lui soufflait alors
dans les naseaux pour l’habituer à son odeur. Puis il nouait la longe dans la mâchoire
inférieure du cheval.
Enfin, il grimpait sur son dos et descendait tout de
suite après de l’autre coté, comme si c’était un jeux. Petit à petit, il
restait plus longtemps. Le cheval finissait par accepter son cavalier.
La
capture du cheval était terminée. Le jeune indien pouvait rentrer victorieux
dans sa tribu. Il était devenu un brave et pouvait écrire sur son
bouclier la marque de « Celui-qui-possède-un-cheval ».
In « Ainsi vivaient mes ancêtres les indiens » Ka-
be-Mub-Be Editions Fleurus
Les photographies présentées sont de Curtis